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Sommaire des biographies de Compagnons |
Ferdinand Flouret Les textes ci-dessous sont extraits d'un ouvrage publié à l'occasion d'une exposition sur Ferdinand Flouret réalisée à Vinsobres (Drôme), durant les étés 1991 et 1992. Voir ci-dessous la notice de présentation de ce livre. Roue à 504 rais, chef-d'uvre et prouesse inégalée de Ferdinand Flouret. FERDINAND FLOURET [ ] Ferdinand Flouret naît à Vinsobres le 24 novembre 1851 ; il est le cadet d'une famille de sept enfants. Son père, ancien aspirant charron, fait de ses quatre fils quatre charrons. L'une de ses filles donnera naissance à un autre compagnon charron : Élie Brun, filleul compagnonnique de Ferdinand, et reçu plus tard sous le même nom de Compagnon. Le 8 juillet 1868 Ferdinand Flouret quitte son village, commençant ainsi les huit années de son tour de France ; il s'inscrit à Nîmes comme aspirant puis voyage dans le Midi. En 1871 il se trouve à Marseille, durant les émeutes de la Commune ; il y remplit les délicates fonctions de « Premier en ville » des aspirants. En 1872 il est à Bordeaux ; c'est en cette ville qu'il se présente et est reçu compagnon du Devoir, pour la Sainte-Catherine (patronne des charrons), sous le nom compagnonnique de « Dauphiné la Bonne Espérance ». Il continue son tour de France et arrive à Paris en 1874. Il y remplit les fonctions de « Premier en ville » des compagnons charrons durant près de deux années. On sait que le « Premier en ville » des compagnons est le responsable de toute sa société pour la ville. Il est ensuite élu Président de sa société et conservera cette fonction pendant vingt ans. C'est dans ce cadre qu'il s'occupe particulièrement d'améliorer les caisses mutualistes des compagnons ; il est le fondateur d'une Caisse de retraites autonome pour les compagnons charrons du tour de France. À l'annonce de l'Exposition Universelle de 1900, les cours techniques des compagnonnages sont invités à concourir ; Ferdinand Flouret exécute et présente huit modèles différents, en collaboration avec d'autres compagnons, en particulier son neveu et filleul compagnonnique, Élie Brun. Sa société reçoit une médaille d'argent et Ferdinand Flouret, comme collaborateur, la médaille de bronze de l'Enseignement technique. À la classe 35 (Agriculture), en collaboration avec la Compagnie Générale des Omnibus, dont il est « brigadier charron », il obtient du jury la médaille d'argent pour les soins qu'il avait portés à l'exécution des travaux exposés par cette Compagnie. Il reçoit aussi une médaille d'argent au titre des services rendus dans le cadre des sociétés de secours mutuels ; durant la même exposition le Ministre de l'Intérieur lui donne la plus haute récompense de la Mutualité, la médaille d'or Il se retire un certain temps à Vinsobres « pour vivre tranquillement » ; mais, encore trop actif, il revient à Paris et continue ses travaux. En 1924, à l'Exposition départementale du Travail des « Meilleurs Ouvriers de France », il expose à nouveau et obtient un grand-prix. Enfin, en 1925, lors de la première Exposition Nationale du Travail, il reçoit le diplôme de Meilleur Ouvrier de France. Il reçoit enfin la Légion d'Honneur en 1932. Nous savons aussi qu'il s'était signalé dans la réalisation des carrosseries des premières automobiles, puis, durant la guerre de 1914-1918, qu'il avait tracé et réalisé les hélices en bois des premiers avions militaires. C'est dans la capitale, parmi ses chers compagnons, que s'écoule sa longue vieillesse ; mais il fait de fréquentes visites à Vinsobres, dans sa famille. Deux de ses parents, à présent fort avancés en âge, Lucien Brun et Mathilde Flouret vivent encore à Vinsobres et peuvent nous transmettre le souvenir du « grand-oncle ». Ce sont eux surtout qui ont bien voulu confier une partie du dépôt qu'ils conservent, ce dont nous devons les remercier chaleureusement. C'est au cours de l'un de ces séjours qu'il décède, en 1939, à l'âge respectable de 88 ans. Sa tombe peut être visitée au cimetière du village, riche de quelques autres tombes compagnonniques. Francis Laget et Jean-Michel Mathonière AU SUJET DU COMPAGNONNAGE DES CHARRONS L'ordre de préséance des métiers compagnonniques, tel qu'il ressort d'un état de 1807, stipule que les charrons n'ont été « reçus » qu'en 1706, par les forgerons Enfants de Maître Jacques , alors que les charpentiers l'avaient été en 570 de l'ère chrétienne par les Enfants de Soubise. [ ] Les dates de préséance adoptées en 1807 sont sujettes à caution du fait qu'elles traduisent d'une part une attitude « historiciste » des compagnonnages à une époque de conflits, d'autre part, et cela est intimement lié, parce qu'il s'agit d'une époque postérieure à la tourmente révolutionnaire, qui a vu « naître » des corps nouveaux et disparaître d'autres plus anciens c'est en particulier le moment où apparaît le « Devoir de Liberté », Enfants de Salomon, pourtant enraciné dans la plus antique tradition du compagnonnage, celle des compagnons « étrangers » tailleurs de pierre. Il n'est pas exclu de faire l'hypothèse d'une affiliation plus ancienne des charrons, peut-être à un autre Devoir que celui des Enfants de Maître Jacques, voire à un Devoir totalement différent de ceux que nous connaissons à l'heure actuelle, mais qui aurait totalement disparu durant le XVIIIe siècle. [ ] Il est encore un point qui pourrait indiquer que l'origine des compagnons charrons est peut-être plus complexe et plus ancienne qu'il n'y paraît, c'est celui du blason de ce corps. À l'époque de Flouret, celui-ci se présente sous la forme du compas et de l'équerre accompagnés de la plane, qui est un outil essentiellement utilisé par les charrons, ainsi que par les tonneliers. Mais sur un document plus ancien, datant de 1837, ce blason présente une physionomie sensiblement différente. On notera que dans le premier cas, l'équerre est posée sur le compas, et que c'est l'inverse en 1837. Ce détail n'est pas sans importance du point de vue symbolique, même s'il convient de relativiser cet aspect faute de posséder un plus grand nombre de documents convergents. Cachet des Compagnons charrrons du Devoir de la ville de Lyon, fin XIXe siècle. S'agit-il d'une modification au sein du Devoir des Enfants de Maître Jacques ? Et alors quelle en est la raison ? Ou bien serait-on en face d'un document émanant d'une autre filiation ? Toutes ces questions méritent d'être posées. Elles vont dans le sens d'une hypothèse qui nous est chère : celle de l'existence, avant la Révolution de 1789 et jusqu'à l'aube de notre siècle peut-être, de compagnonnages apparentés à ceux que nous connaissons, mais cependant autonomes. L'émergence du « tour de France », probablement au cours du XVIIe siècle, et la « fixation » de celui-ci au cours du XIXe, ainsi que le bouleversement de 1789 ont certainement contribué à l'homogénéisation de ces Devoirs, et, de fait, à la disparition de certains d'entre eux, ceux que nous connaissons encore aujourd'hui correspondant alors au minimum de différences irréductibles quant aux rites et origines Ainsi de certains compagnonnages forestiers dont au XVIIIe siècle la Franc-Maçonnerie s'inspirera ; ainsi aussi de certains compagnonnages de tailleurs de pierre tel celui dont on trouve le témoignage à Samoëns ; ainsi encore de ces « maîtres sonneurs » du Berry et du Bourbonnais mis en scène par George Sand dans son roman dont il est difficile de croire qu'il ne s'agit que d'une pure fiction [ ] Francis Laget et Jean-Michel Mathonière LETTRES PATENTES DE LOUIS XIV 1 - Les charrons, carrossiers, faiseurs et entrepreneurs de carrosses, coches, chariots, litières, brancards, calèches et autres attirails, seront justiciables du Châtelet et de la Cour de parlement. 2 - Quatre jurés élus à la pluralité, ayant été administrateurs de confrérie. 3 - Les affaires seront décidées en réunion de huit anciens, deux modernes et deux jeunes. 4 - Les jurés pourront faire une avance de 50 livres sur les comptes. 5 - Les comptes seront approuvés en assemblée des maîtres. 6 - Le reliquat des comptes seront remis entre les mains des jurés qui restent. 7 - Pour être admis à la maîtrise, il faudra quatre ans d'apprentissage. 8 - Et quatre ans de compagnonnage. 9 - L'apprenti, en passant son brevet, payera 5 sols à la confrérie. 10 - Les administrateurs de confrérie seront élus par huit anciens, deux modernes et deux jeunes maîtres. 11 - Le chef-d'uvre sera parfait, sans banquets ni aide de personne, et approuvé par tous les maîtres. 12 - L'aspirant prêtera serment, payera les droits dus aux assistants, plus à la communauté la somme de 600 livres, « laquelle somme a esté fixée sous le bon plaisir de Sa Majesté pour satisfaire à l'arrest de la Cour du 16 juillet 1667, qui enjoint de regler ce qui sera payé pour l'entrée et reception des aspirans à la maistrise dudit mestier de charron ». 13 - En cas de chef-d'uvre insuffisant, l'aspirant reprendra le travail pendant 2 ans. 14 - Les maîtres n'auront qu'un apprenti pendant la première moitié de son service ; ils n'auront qu'un atelier et un dépôt pour les bois et voitures ; ils ne détourneront pas un compagnon s'il n'a prévenu quinze jours d'avance de son départ. 15 - Les fils de maîtres feront une simple expérience à la place du chef-d'uvre et payeront seulement 12 livres pour le luminaire de la confrérie. 16 - Les veuves et les filles de maîtres dispenseront seulement de l'apprentissage ceux qu'elles épouseront. 17 - La maîtrise par lettres sera supprimée, en raison du payement de 3 000 livres fait par la communauté pour droit de confirmation d'après la déclaration royale du 24 août 1657. 18 - Les compagnons seront privés de maîtrise en cas d'abus contre les filles ou femmes des maîtres. 19 - Il n'y aura pas de charrons privilégiés. 20 - Les charrons des faubourgs, pour obtenir la maîtrise parisienne, devront avoir travaillé longtemps et accepté les visites des jurés. 21 - Les charrons n'emploieront que du bon bois pour « moyeux, roues, gentes, esseaux, soit du chêne, orme, frêne, haîstre, charme ou tilleaux ». 22 - Ils pourront se fournir de tous objets pour construcion des carrosses, coches, chariots, litières, calèches, brancards. 23 - Défense aux charrons d'aller au-devant des bois d'arrivage. 24 - Les bois arrivés à port devront stationner pendant trois jours ouvrables. 25 - Les bois, après visite des jurés, ne seront enlevés que pendant le jour. 26 - Les jurés pourront visiter en tout temps les bois de charronnage et les ouvrages de carrosses et autres. 27 - Défense aux maîtres loueurs de carrosses de vendre des pièces dépendant de l'art du charron. 28 - Il sera permis aux charrons et selliers d'aller réciproquement travailler les uns chez les autres. 29 - Défense aux tourneurs d'entreprendre sur l'art de charron ; ils feront seulement les pièces tournées ; 30 - Aux selliers de faire un travail de charron hors la ville. 31 - On ne pourra reblanchir ni calfeutrer des vieux bois de trains de carrosses pour les employer à des trains neufs. 32 - Les maîtres charrons pourront faire acheter sur place leurs bois coupés et façonnés. 33 - Défense aux bourreliers bâtiers de rien entreprendre du métier de charron. 34 - Suivant arrêt du 17 janvier 1598, les charrons peuvent fournir les carrosses, coches, chariots, brancards, charrettes, calèches, litières garnies de colliers, bricolles, têtières, rênes, brides, traits, reculements et ferrures. 35 - Les charrons des faubourgs ne pourront se fournir de marchandises hors la Ville sans prévenir ceux de Paris. 36 - Les tapissiers ne pourront rien entreprendre, mais seulement faire les coutils et courtepointes pour les carrosses commandés par les charrons. 37 - Les menuisiers ne feront ni roues ni brancards. 38 - Les maréchaux, serruriers, taillandiers, forgeurs, ne pourront ni faire ni entreprendre, à prix convenu, des carrosses ou charrettes ; les charrons leur commanderont les bandes et pièces à forger ou à percer. 39 - Défense aux crieurs de vieux fers d'exposer des carrosses en vente. 40 - Défense aux charrons de prêter leurs noms ou marques, de céder leurs lots, même à d'autres maîtres. 41 - Défense aux voituriers et rouliers de vendre des carrosses, brancards, etc. ; 42 - Ou des ouvrages de charronnage ; 43 - Ou des bois ouvrés sur les ports. 44 - Les compagnons ne travailleront pour des particuliers que si on leur fournit le bois et les outils. 45 - Ils resteront au compte des maîtres, sans débaucher leurs serviteurs. 46 - Les maîtres charrons devront marquer tous les trains sortant de leurs ateliers. 47 - Les anciens jurés et les veuves seront dispensés du droit de visite. 48 - Les charrons et selliers ne loueront des carrosses qu'avec les chevaux. 49 - Le prix des chefs-d'uvre reviendra à la communauté. 50 - Les contestations seront portées au Châtelet et au Parlement. Source : Archives Nationales, Ordonnances, 12° vol. de Louis XIV, Xa 8680, fol. 283. Cité d'après René de Lespinasse, Les Métiers et corporations de la ville de Paris, tome II, Paris 1892. Enseigne convocatrice d'une corporation de charrons hongrois, 1703. Le compas est ouvert au-dessus de la roue à huit rais.
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