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Le texte qui suit est un court extrait (l'introduction) d'un article paru dans le numéro 69-70 de la revue « Connaissance des Religions » (Éditions Dervy).

La tradition et sa transmission
dans les compagnonnages :
aperçus en forme de mises au point

« Transmettre un métier n'est pas transmettre des techniques. Les techniques sont condamnées à mourir. Elles naissent, se développent et disparaissent, remplacées par d'autres techniques appelées elles aussi à l'oubli. Transmettre un métier consiste donc à transmettre des valeurs. La mort vient souvent chercher l'homme au comble du savoir et de l'expérience. Celui qui meurt s'en va chargé de valeurs mais ces dernières ne périssent pas ; elles vivent dans cette chaîne d'alliance faite d'anciens et de jeunes, tour à tour porteurs et passeurs d'éternité… »

La Fidélité de Lyon.

Si l'on en croit l'image qui en est donnée dans la majeure partie de la littérature lui étant consacrée, les romans comme les essais, le Compagnonnage apparaît comme fondé et centré sur la transmission d'un riche patrimoine traditionnel. Qu'il s'agisse des savoirs-faire artisanaux ou encore de ses rites et symboles, chacun s'accorde en effet à voir en lui, avec admiration, le conservatoire d'un « Devoir » transmis fidèlement de siècle en siècle depuis une époque reculée qui remonterait pour le moins au Moyen Âge, ou, si l'on en croît ses légendes, au temps du roi Salomon. Son aura de prestige est d'ailleurs d'autant plus forte dans certains milieux – je songe tout particulièrement aux Francs-maçons français – que, du fait du secret qui entoure de manière quasi totale le contenu exact de cette transmission, l'on « sait » – on soupçonne simplement en fait – que les Compagnons détiennent des connaissances ésotériques qu'auraient perdues la Franc-maçonnerie lors de son passage à l'état spéculatif.

En énumérant avec complaisance (et un zeste de talent littéraire) force anecdotes et « sages paroles de Compagnons », l'on pourrait embellir encore cette apologie du Compagnonnage en tant que société traditionnelle par excellence, dont la moelle épinière serait justement son sens aigu de la transmission, de la fidélité absolue à l'héritage professionnel et spirituel des Anciens. Mais l'ayant fait, aurait-on un tant soit peu saisi et fait partager au lecteur la véritable essence du Compagnonnage et de sa tradition ?

Rien n'est moins certain… D'autant que la réalité compagnonnique d'hier comme d'aujourd'hui est en fait fort éloignée de l'imagerie d'Épinal que colportent les « beaux livres » et autres best-sellers romanesques dont nous abreuve l'édition. À commencer par son histoire ancienne, pour laquelle on se satisfait de la réécriture permanente, sans apport nouveau, de celle rédigée par Agricol Perdiguier il y a plus d'un siècle et demi. Et cela sans se soucier de savoir si cette histoire n'était pas instrumentalisée à des fins aujourd'hui caduques. À poursuivre par la description de son organisation, de ses coutumes, de ses symboles et de ses rites, où sous l'apparence de l'érudition, l'on cultive sans scrupule l'approximation et (surtout) l'amalgame, notamment en direction du principal lectorat des ouvrages traitant de ce sujet : les Francs-maçons. Il est d'ailleurs intéressant à souligner que cette complaisance, dont l'attrait pour tout ce qui apparaît comme vaguement ésotérique est à la fois la cause et la « cible de clientèle », génère un effet pervers contribuant sans cesse à l'alimenter et à l'accentuer : englué dans son aura de mystère, à tort comme quelquefois à raison, le sujet apparaît aux historiens comme étant peu digne d'intérêt ou, tout au moins, comme faisant partie de ces domaines dont il vaut mieux, pour l'avenir d'une carrière universitaire, se tenir soigneusement à l'écart ! De la sorte, le sujet est comme abandonné et aux resucées commerciales ou romanesques, et aux spéculations les plus échevelées, l'une et l'autre de ces tendances pouvant d'ailleurs quelquefois fructueusement se combiner…

On l'aura compris, la tonalité générale de cet article sera critique. Car il est nécessaire de faire un tant soit peu table rase avant que de prétendre servir l'agape. Et comme malheureusement beaucoup d'idées reçues encombrent le sujet, il me faut donc accorder une place conséquente à quelques mises au point, sachant qu'à défaut de toujours pouvoir substituer des certitudes aux inexactitudes et aux erreurs, il est salutaire d'au moins clairement exprimer les doutes et baliser nettement certaines impasses.

(à suivre…)

Jean-Michel Mathonière puce

 

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